[Fête de la science 2020]
Témoignage de M. Kijung JUNG
Directeur général de l’ITER Korea
- Quelles études avez-vous faites avant votre départ en France ?
Je me suis formé à la chimie industrielle à l’université Ajou.
- Quel a été votre parcours en France ? Que pensez-vous des formations « à la française » / les avantages avec les autres pays / les stages, etc. ?
J’ai tout d’abord fait mes études en chimie industrielle à l’Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse (INSA Toulouse) puis j’ai obtenu un diplôme dans le même domaine à l’Institut national polytechnique de Toulouse (Toulouse INP). Etant bénéficiaire d’une bourse à long-terme, j’avais demandé de recommencer mes études à partir de la licence dans un établissement faisant partie du système des Grandes écoles. J’ai été très surpris par le fait que je devais suivre les matières selon l’emploi du temps comme le lycée coréen, ce qui est différent par rapport au système des universités coréennes qui demande de s’inscrire à des cours de notre choix avant la rentrée scolaire.
Par ailleurs, il n’y a pas eu de cérémonie d’entrée/fin d’études. Lors de mon premier cours, le professeur m’a simplement demandé comment je m’appelais et a tout de suite donné son cours.
Lorsque j’ai exprimé mon souhait de m’inscrire en doctorat à mes amis français à l’issue de mes études à l’INSA Toulouse, ils étaient étonnés car ils me disaient qu’après la fin des études au sein d’une Grandes écoles, les étudiants peuvent obtenir un diplôme d’ingénieur, considéré comme l’un des meilleurs diplômes permettant de trouver un poste très bien rémunéré dans une entreprise industrielle. Ils n’ont donc pas bien compris ma décision. En réalité, même avant la fin de mes études, plusieurs postes m’ont été proposés de la part de compagnies pétrolières, d’entreprises pharmaceutiques françaises d’excellence ainsi que dans le domaine de l’énergie nucléaire. Néanmoins, à l’époque, je devais faire un doctorat.
Je trouve que l’un des atouts que compte le système d’éducation français, c’est de pouvoir profiter d’un enseignement de qualité, dans de bonnes conditions, avec des frais de scolarité plutôt raisonnables. Bien entendu, en ce qui me concerne, étant sélectionné comme boursier du gouvernement français, je n’avais pas de souci à me faire au sujet des frais de scolarité à régler. Cependant, en prenant le cas de mes amis français, je n’ai jamais entendu parler que les étudiants arrêtaient leurs études à cause d’un problème financier.
Je n’ai pas remarqué de différences particulières sur la formation doctorale par rapport à celle des autres pays. Je peux tout de même constater qu’il y avait moins de tensions que lorsque j’étudiais en licence. En particulier, comme une partie de mes recherches avait un lien avec le domaine d’activité d’une entreprise industrielle, j’ai pu bénéficier d’un soutien financier supplémentaire de l’entreprise en plus de la bourse du gouvernement français qui m’avait été accordée.
- Pourquoi avez-vous choisi de suivre des études en France ?
L’université Ajou a été créée en 1973, ce qui correspond à la fin de mes études secondaires. En 1972, l’université a fait la promotion à grande échelle des études en France auprès des lycées d’excellence. Dans la même année, un enseignant de mathématique de mon lycée m’a vivement recommandé de postuler à l’université Ajou qui allait sûrement proposer un programme d’études en France. A ce moment-là, je ne pensais pas que je pourrais faire des études à l’étranger, mais malgré ce doute j’ai quand même choisi l’université Ajou en espérant qu’il y aurait une chance. Et mon rêve s’est finalement réalisé. Jusqu’à maintenant, je trouve que j’ai fait le meilleur choix possible et je remercierai toujours mon enseignant de m’avoir fait cette recommandation.
- Recommanderiez-vous la France aux étudiants coréens ? Si oui, pourquoi ?
Quand on pense à une destination pour la poursuite des études à l’étranger, ce sont les Etats-Unis qui viennent en premier à l’esprit. C’est probablement parce que l’on pense que c’est une opportunité intéressante avec beaucoup plus d’offres. De plus, la barrière de la langue est moins présente.
Cependant, je trouve que les études en sciences et ingénierie en France seraient bénéfiques également grâce aux frais de scolarité raisonnables et aux enseignements de qualité, etc. Au niveau licence, la langue française est beaucoup plus pratiquée, il faudra donc être sûr de son niveau de langue. J’avais choisi de démarrer au niveau de la licence car je ne savais pas que ça serait si difficile. Comme le dit un proverbe « les sots se ruent là où les anges n’osent pas s’aventurer ». A partir de la formation du niveau master, les cours sont moins compliqués puisqu’une partie des formations est enseignée en anglais également. Et de nos jours, les français parlent mieux l’anglais que les années précédentes. On pourra constater, donc, qu’il n’y a pas de grandes difficultés à partir du master.
Avec le temps, j’ai commencé à avoir de plus en plus d’occasions de développer mes compétences linguistiques en français. Être capable de parler une autre langue est un avantage indéniable. C’est particulièrement le cas avec la maîtrise du français qui pourra être considérée comme une compétence remarquable.
Par ailleurs, la poursuite des études en France offre des occasions d’élargir notre perspective culturelle et historique sur l’Europe. Quelques années plus tard, on se rendra compte que ces expériences de vies réelles deviendront les atouts les plus importants pour notre épanouissement personnel.
- Quels conseils pourriez-vous donner aux étudiants coréens qui partent en France pour qu’ils profitent pleinement de leur séjour ? Votre souvenir intéressant lors de vos études en France ?
Je trouve tout d’abord que le plus important pour réussir ses études en France est de pouvoir maîtriser le français. Il faudra donc bien se préparer en amont et sur le long terme si vous envisagez de poursuivre vos études en France. De plus, il faudra aussi se renseigner en détail sur les formations et les établissements souhaités. A l’heure actuelle et contrairement à l’année 1978 où je suis parti pour mes études en France, il est plus facile, si l’on le souhaite, de se renseigner et de trouver plein d’informations utiles.
A cette époque, c’était vraiment difficile de recueillir des informations nécessaires sur la poursuite des études en France. En plus, comme il n’y avait pas de vol direct entre Séoul et Paris, je devais d’abord aller à Tokyo pour ensuite faire un transfert vers Anchorage en Alaska en prenant un vol Air France pour finalement arriver à l’aéroport Charles de Gaulle à Paris.
Même à notre arrivée à l’aéroport à Paris, nous ne savions pas quelle était notre destination finale. Le mot que nous avons entendu le plus en Corée, c’était le ministère des affaires étrangères. Du coup, nous avions réussi à le trouver, tout en traînant notre grand bagage très lourd, en posant plusieurs questions à des gens qui passaient dans la rue, mais ce n’était pas du tout le guichet d’accueil. Finalement, faisant suite à un parcours très compliqué, nous avons pu atteindre un guichet CNOUS qui s’occupait des boursiers. Encore maintenant, je ne peux pas oublier la joie et l’impression de l’époque d’en avoir trouvé un.
Dès la réception de la bourse, nous (5 boursiers) avons tous dormi dans une seule chambre dans un hôtel à proximité en disant que nous ne pouvions pas dormir séparément. Le lendemain, l’un des boursiers devait prendre un autre train afin de pouvoir effectuer un stage linguistique dans une autre ville. Et je me rappelle très bien qu’il avait déploré la situation et ne comprenait pas pourquoi il était le seul à devoir se rendre dans une autre ville. Bien entendu, nous avons tous pleuré. Ce que j’en déduis maintenant, c’est la difficulté que nous devions supporter en raison des renseignements qui étaient à l’époque insuffisants.
- Votre ville française préférée et pourquoi ?
En ce qui me concerne, c’est bien sûr Toulouse où j’ai vécu plus de 7 ans. Toulouse, surnommée la « ville rose » est considérée comme la 4e – 5e plus grande ville de France, et réputée pour la qualité de son enseignement et de sa recherche puisqu’elle possède dans tous les domaines des établissements d’enseignement supérieur d’excellence. Même si c’est l’une des villes les plus peuplées de France avec 500, 000 habitants, les Toulousains ont l’air détendus et très accueillants, une des particularités des gens de la région du sud de la France. Plusieurs sites touristiques sont à découvrir tout en profitant du beau temps que l’on a près de la mer méditerranéenne et des Pyrénées. Je trouve que c’est une ville qui permet de profiter pleinement de la vie française.
- Votre plat français préféré et pourquoi ?
En fait, j’ai une alimentation variée, donc, pas de plats français préférés qui me captent particulièrement. En plus, en prenant en compte la mondialisation des cuisines, c’est difficile de discerner un plat typiquement français. Si je devais quand même mentionner quelques plats européens, ça pourrait être le steak, la choucroute, le risotto ainsi que les moules marinières (ça se prononce comme « mul » en français). Notamment, la choucroute avec des pattes de porc accompagnée de vin/bière est un plat qui me plaît beaucoup et j’en mange chaque fois que je vais en France. D’ailleurs, c’est un plat à prix raisonnable.
- Votre mot français préféré et pourquoi ?
D’un point de vue phonétique, ce que j’aime le plus, c’est la « Provence ». Je trouve que c’est facile à prononcer et très romantique. En plus, cela nous rappelle les écrivains et peintres de renom tels que Alphonse Daudet, Paul Cézanne. Le projet de construction de l’ITER (Le réacteur thermonucléaire expérimental international) auquel je participe actuellement est en cours de développement pas très loin d’Aix-en-Provence, j’ai eu plusieurs occasions de visiter cette région. Du coup, à chaque fois que je prononce « Provence », je trouve que c’est très romantique.
D’un point de vue sémantique, je pense au mot « Tolérance ». Ce que j’en déduis, c’est que cela signifie se mettre à la place de l’autre, admettre la différence et se respecter. C’est peut-être pour cela que je n’ai pas eu l’occasion de me sentir discriminé durant mes études ainsi qu’à mon travail pendant trois ans et demi auprès de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) à Paris en France. Je suppose que c’est grâce à l’esprit de tolérance des Français.